Biotope

Le terme de biotope fait référence, de façon a priori stricte, à la modélisation de la «biosphère» comme complexe d’écosystèmes. Chaque écosystème est ainsi constitué d’une part d’une communauté d’êtres vivants, la biocénose, d’autre part d’une collection de lieux habités par cette biocénose. Les caractéristiques physico-chimiques de ces lieux constituent un biotope. Comme tel, le biotope constitue la partie inerte de l’écosystème dont la biocénose est la fraction vivante.

Biotope, station, habitat, niche écologique
La définition du biotope renvoie à des termes voisins mais distincts. L’un, bien antérieur à la théorie de l’écosystème (Tansley, 1935), est celui de station, définie par Flahault (1904) comme « … une circonscription d’étendue quelconque, mais le plus souvent restreinte, représentant un ensemble complet et défini de conditions d’existence. La station résume tout ce qui est nécessaire aux espèces qui l’occupent, la combinaison des facteurs climatiques et géographiques avec les facteurs édaphiques et biologiques, c’est-à-dire les rapports de chaque espèce avec le sol et avec les espèces auxquelles elle est associée. » Ainsi définie, la station apparaît comme l’unité géographique élémentaire d’un espace bio-physique réductible à une mosaïque d’unités homogènes discrètes. Un biotope correspond alors à un ensemble de stations présentant des caractères physico-chimiques proches sinon identiques et peut donc être défini comme un type de station. Il est identifiable à la communauté d’êtres vivants qui l’occupe, dont la communauté végétale serait l’expression spatiale. Cette définition résulte toutefois d’approximations puisqu’elle suppose l’«homogénéité» des sites et une coïncidence pas toujours vérifiée entre la géographie des biotopes et celle des biocénoses.
L’autre terme qui vient à l’esprit est celui d’habitat quoique, nous prévient le dictionnaire encyclopédique de l’écologie et des sciences de l’«environnement» de Ramade, celui-ci est « une entité écologique souvent confondue par erreur avec le biotope ». La différence tient à ce que l’habitat, dans sa définition la plus courante du moins, est envisagé au niveau de l’espèce et non à celui de la biocénose. La notion d’habitat peut être articulée à celle de niche écologique. En dépit du caractère imagé de l’expression, la niche écologique est une notion théorique, définie par Hutchinson (1957) comme l’hypervolume occupé par une espèce dans un hyperespace à n dimensions, n correspondant au nombre total des paramètres définissant le milieu ; chaque espèce est ainsi identifiée par les «seuils» écologiques qu’elles admettent vis-à-vis de chaque paramètre et qui dessinent les contours de l’hypervolume. Cette niche fondamentale, propre à chaque espèce, n’est pas la niche « réalisée » par l’espèce. C’est à partir de celle-ci qu’est défini son habitat.

En élargissant le point de vue de l’autécologie (étude des relations que les êtres vivants entretiennent avec leur milieu) à la synécologie (étude des relations que les espèces entretiennent entre elles : prédation, symbiose, parasitisme), le biotope apparaît alors à la croisée de l’habitat des différentes espèces, végétales ou animales, constituant la biocénose. Une telle définition rappelle, en premier lieu, que l’écosystème est bien un concept que l’on peut spatialiser ce dont ont douté beaucoup de géographes. Corollairement, elle souligne la complexité de la forme spatiale de l’écosystème, d’une part parce que le biotope peut admettre une certaine hétérogénéité, d’autre part parce qu’une même population spécifique peut participer à plusieurs écosystèmes. Les biocénoses sont des communautés ouvertes et seule une partie (variable) des espèces est réellement « inféodée » – pour reprendre le terme le plus couramment employé – à tel ou tel biotope.

Le biotope, un concept central en biologie de la conservation
On sait le rôle majeur joué aujourd’hui par la biodiversité aussi bien dans le débat social sur l’environnement que dans les politiques menées en matière de préservation de la nature (celle-ci largement identifiée à la biosphère). Les géographes se sont trop rarement appropriés le thème alors même qu’il les concerne au premier chef, les mesures de protection et de gestion des espaces naturels protégés s’appliquant à des sites qu’il a fallu choisir et délimiter. Dans cette démarche éminemment géographique, le biotope est central. Le réseau Natura 2000 que l’Union européenne cherche à mettre en place peut être ici pris en exemple.
Natura 2000 souhaite rompre avec une conception de la protection de la nature réduite à la mise en défens de sites ou de zones choisis par ailleurs suivant des critères qui laissent une grande part à la subjectivité. La question de la biodiversité y est abordée, pour une part au niveau des espèces, mais surtout au niveau des écosystèmes. Les « habitats d’intérêt communautaire » que l’on a choisi de sauvegarder sont bien des biotopes. Le choix doit dès lors reposer sur la capacité des sites à assurer au mieux les fonctions de l’écosystème, ce qui amène à se poser la question en termes de taille, de forme, de connectivité entre les sites (d’où le soudain intérêt soulevé par les corridors écologiques) afin qu’ils constituent vraiment un «réseau». Ces fonctions peuvent être compatibles avec les activités des sociétés humaines ce qui devrait placer ces sites à l’interface des systèmes écologiques et des «systèmes» sociaux .

voir aussi: anthroposystèmes

 

Bibliographie :
-BLONDEL J. (1995) : Biogéographie. Approche écologique et évolutive. Paris : Masson, 297 p.
-FLAHAULT CH. (1900) : « Projet de nomenclature phytogéographique ». Compte-rendus du Congrès International de Botanique, 427-450.
-RAMADE F. (2002, 2e édition) : Dictionnaire encyclopédique de l'Écologie et des Sciences de l'Environnement. Paris : Dunod, 1075 p.
-TANSLEY A.G. (1935) - « The use and abuse of vegetational concepts and terms ». Ecology, 16(3) : 284-307.