Ville frontalière

Une ville frontalière est une agglomération urbaine située à proximité d’une frontière d’État et dont l’organisation et le fonctionnement sont influencés par cette présence. Les relations entre villes et frontières d’État apparaissent de prime abord antinomique : la ville exprime la centralité alors que la frontière est associée à l’idée de séparation. Or, la frontière politique est créatrice d’activités, de fonctions urbaines : l’État y assure un certain nombre de services.
Trois facteurs contribuent à l’émergence ou à l’essor d’entités urbaines : le contrôle, la circulation, l’instrumentalisation de la frontière.
1er facteur : la protection du territoire et le contrôle de l’échange
La population des villes frontalières exerce une activité différente des habitants de l’espace environnant. Deux figures emblématiques de la frontière y sont visibles : le militaire et le douanier. Leur présence participe à l’amorce d’une économie et d’une vie urbaine en générant d’autres activités (commerces, services, etc.). Les États y ont parfois adjoint d’autres fonctions, notamment administratives (soit par reconnaissance de leur amorce d’urbanité dans un «environnement» très rural soit pour tenter d’organiser ou de contrôler la périphérie).
Fortement spécialisées, ces villes frontalières apparaissent très dépendantes à l’égard de leur situation frontalière. L’État contribue directement et indirectement à leur fonctionnement.
2ème facteur : la rupture de charge et l’exploitation du différentiel
Sur une frontière politique, les points de passage présentent des possibilités d’accumulation par rétention. La discontinuité provenant de la frontière provoque une rupture de charge qui fait apparaître des métiers assurant l’entre-deux, soit officiellement (transporteur), soit officieusement (contrebandier, passeur). Le changement de «système» est synonyme de développement de services. La contrebande, les activités illicites assurent le développement de centres urbains en raison de l’éloignement des «lieux» de pouvoirs car loin du contrôle des centres (cas d’États disposant d’infrastructures rudimentaires ou d’États où les trafics illicites représentent une soupape de sécurité pour les pouvoirs et une source de revenus.
Mais cette situation est fragile et soumise aux changements de relations entre les États ainsi qu’aux changements techniques.
3ème facteur : entre protection et instrumentalisation
La frontière peut assurer une protection dont les effets sont ambivalents. Ainsi, des activités peuvent se développer à l’abri des «conflits», des dangers que représente un État voisin. Cette fonction de refuge peut se développer dans certains lieux-frontière, se caractérisant par un afflux de populations fuyant les conflits. Ces dernières peuvent être un stimulant ou au contraire un handicap. Le cas échéant ne se localisera à la frontière qu’un camp, une halte, étape vers des lieux plus sûrs, moins exposés et offrant plus de perspectives d’emplois, de logements, etc.
Par ailleurs, les États investissent parfois massivement dans certaines villes frontalières en les dotant d’institutions ou en favorisant le développement économique. Cette stratégie d’instrumentalisation de la frontière est souvent utilisée face à un État voisin avec lequel les relations sont tendues. Ces villes jouent un rôle de «représentation» qui est éminemment symboliques.

Dans tous les cas, ces villes sont dépendantes de leur situation frontalière, des politiques des États et surtout des relations entre les États. L’émergence d’un véritable pouvoir politique local semble difficile. L’un des enjeux de ces ensembles urbains est de dépasser la frontière, c’est-à-dire de s’affranchir de la situation frontalière en devenant une véritable ville disposant d’une centralité, d’une force d’attraction et de pouvoirs urbains (politiques, mais aussi économiques et sociaux).
Les villes frontalières présentent des configurations originales qui sont liées aux propriétés de la frontière. Une première idée est que la fonction de séparation de la frontière est pénalisante pour la ville. Les aires d’influence de ces villes sont amputées et déformées par la frontière. En situation de confins, les échanges sont orientés vers le reste du territoire : la frontière assure une protection qui garantit la stabilité, mais l’éloignement des centres de décision et la faible autonomie des pouvoirs locaux renforce l’incertitude.
La confrontation avec d’autres «territoires» ouvrent des potentialités à condition que la frontière soit poreuse. Les échanges internationaux se développent car des pratiques, des savoir-faire spécialisés se construisent en raison de la proximité de l’international. Ces lieux sont plus exposés que d’autres à la confrontation et donc à la diffusion d’idées et d’innovations. Mais seules les villes les plus grandes d’entre sont en mesure de valoriser la confrontation et de développer un savoir-faire (entre-deux, médiation, etc.).
Le plus souvent, la frontière fonctionne comme un filtre qui influence profondément le fonctionnement des villes frontalières. La diversité des situations montre cependant que l’image de la ville frontalière, entravée dans son développement par la présence de la frontière est réductrice.