Seuil

Dans une acception concrète, le seuil est un lieu à la fois séparation et passage. Le seuil désigne la zone de séparation entre deux bassins sédimentaires ou deux ensembles hydrographiques.  » Et par le seuil qui interrompt ici le front du massif se transmettent librement entre le Bassin parisien et la vallée de la Saône, les vents, les pluies, mille influences diverses  » (P. Vidal de la Blache à propos de la porte de Bourgogne , Tableaux géographiques de la France) ou encore,  » …les pays aquitains qui communiquent avec les pays de la Loire par le seuil du Poitou et avec les pays méditerranéens par le seuil du Lauragais  » (L. Papy à propos du Bassin aquitain, Le midi atlantique). Dans la toponymie et dans le vocabulaire des géographes, s’il est étroit, le seuil sera parfois nommé  » porte « , ainsi le seuil de Bourgogne est aussi dit Porte de Bourgogne. En climatologie, on appelle  » col  » un seuil isobarique. En géomorphologie, le seuil est une élévation d’un fond marin, fluvial ou glaciaire qui sépare deux régions d’altitude comparable. Les seuils dans les lits des cours d’eau correspondent à des secteurs peu profonds orientés en oblique par rapport à l’axe du lit. A l’inverse, on appelle mouille le bas fond d’une rivière.

De manière plus abstraite, le seuil correspond au niveau d’un facteur au franchissement duquel est attachée une limite, une discontinuité géographique. A un échelon donné, cette dernière soit sépare deux systèmes spatiaux, soit individualise des sous systèmes dans un ensemble. Ce niveau peut correspondre à un seuil d’apparition d’un phénomène dans l’espace. Il peut aussi manifester sa transformation, ou encore sa disparition. Le seuil correspondant à un changement qualitatif. On fait correspondre par exemple, à des seuils altitudinaux en milieu montagnard, des étagements de végétation. Des seuils climatiques permettent de définir des périmètres à l’intérieur desquels, dans les systèmes agraires traditionnels, des modes d’utilisation agricole du sol étaient plus probables que d’autres. On a parfois tenté d’associer à des seuils de densité de population l’apparition ou la disparition de certains modes de mise en valeur, à des seuils de rendements celles de certaines productions agricoles. Dans un système de peuplement donné, à des seuils de masse de population (masses critiques) correspondent des seuils d’apparition de certains équipements pour la population, et donc des changements qualitatifs dans la nature des concentrations. La notion de masse critique est reprise implicitement par exemple dans les démarches de discrétisation du continuum des concentrations de peuplement, pour distinguer, à l’aide d’un seuil de taille, des unités urbaines et des noyaux ruraux de peuplement.

Le seuil peut correspondre à un niveau particulier d’une variable spatiale, le plus souvent la distance. Désignant, pour un phénomène donné, la portée limite de l’ interaction spatiale il définit le périmètre du champ de forces qui lui est associé. Dans la théorie des lieux centraux la portée limite est introduite pour déterminer l’espacement des centres en fonction de leur taille. Par la fonction d’interaction qu’elles intègrent, les modélisations de type gravitaire font entrer la notion de portée limite dans la délimitation des zones d’attraction, ou encore dans la définition des potentiels.

Le pas qui consiste à passer de l’idée de seuil d’apparition ou de disparition ou de la notion de masse critique, à celle de niveau optimal a été souvent fait. La promotion de l’idée d’une optimalité possible des densités de population par rapport à un projet particulier, peut inciter à des déplacements de population. Dans une perspective plus strictement économique ou gestionnaire on a pu, pour un système de peuplement donné et pour chacun de ses niveaux de centres, tenter de déterminer des tailles optimales. De telles recherches sont aujourd’hui un peu passées de mode.

Dans une perspective dynamique, les seuils sont les niveaux critiques atteints par une variable ou par un paramètre, dont le franchissement qui peut correspondre à une très faible variation quantitative, provoque une bifurcation, changement qualitatifs irréversible de la structure du système territorial.