Statut spatial du paysage

L’espace du paysage doit être appréhendé à deux niveaux. La scène paysagère elle-même s’inscrit dans un espace tridimensionnel que nous appelons volumique scénique. Caractériser un paysage implique de restituer l’organisation de cet espace, à travers la nature et la disposition des objets, ainsi qu’à travers la composition des lignes volumétriques et des surfaces (paysage visible). Mais l’espace du paysage met aussi en jeu la place des types de paysages dans l’espace. Le paysage est partout dans l’espace : il peut être appréhendé du dessus à travers la «localisation» et la description de ses composants, et du dedans, au sein de la collection infinie des volumes scéniques, changeant en chaque point de l’espace et en chaque angle du tour d’horizon. On peut ainsi chercher à mettre en œuvre une géographie du paysage visible, ce qui implique de pouvoir projeter la réalité volumétrique du paysage sur le plan de la carte. Avant même d’en examiner les aspects techniques, on fera observer qu’une telle démarche se heurte à une habitude bien ancrée. On a coutume, dans nos sociétés, de relier la « vue du dedans » (de type tangentiel) aux domaines de la vie quotidienne et de l’esthétique, et de considérer que seule la « vue du dessus » (de type projectionnel) est en mesure de fonder une connaissance rigoureuse. On pose ici comme hypothèse que la vue tangentielle peut donner lieu à une collecte d’information objective et fiable, que celle-ci peut être traitée, cartographiée, puis utilisée en tant que de besoin. On opère alors un basculement de l’espace égoréférencé et séquentiel de la vision au sol sur l’espace géoréférencé et synoptique de la carte. Un des apports les plus fructueux de ce positionnement est le constat que l’espace est inégalement soumis à la vue. Si chaque point de l’espace terrestre possède une ampleur de vue qui lui est propre, chaque point sera inversement plus ou moins soumis aux vues qu’on peut avoir depuis les autres. Cette soumission visuelle peut être établie et cartographiée ; elle offre de nouvelles pistes pour aborder les questions de la gestion paysagère, des nuisances visuelles et des études d’impact. Deux filières symétriques de mobilisation et de traitement de l’information sont utilisables : le « vu du dedans » peut être replacé dans le « vu du dessus » et ce dernier peut, en retour, permettre de modéliser le « vu du dedans ». Ainsi, une filière analogique propose une restitution de la vision paysagère à partir de corpus photographiques réalisés selon des procédures d’échantillonnage spatial et donnant lieu à l’élaboration de banques d’images géoréférencées. La cartographie des valeurs de soumission visuelle passe par la spatialisation des cônes de vues réels. Le corpus photographique peut aussi donner lieu à des relevés d’objets et d’éléments d’images, et au report sur la carte des caractères ou combinaisons de caractères obtenus. La filière digitale part de couches d’information spatialisée (modèle numérique de terrain, image satellite …) pour modéliser les paysages supposés visibles en un point. La soumission visuelle est établie cette fois par calcul trigonométrique. À partir du Modèle Numérique de «Terrain», chaque pixel fait l’objet d’un lancer de rayon virtuel dans toutes les directions. L’altitude du pixel et celle de tous les autres étant connues, il est possible de déterminer l’espace qui sera visible depuis chaque pixel et, par conséquent, l’intensité de la soumission visuelle pour chacun d’entre eux. L’image satellite permet, quant à elle, de connaître l’occupation du sol, donc d’évaluer la hauteur de la végétation et des bâtiments, et ainsi de compléter les données apportées par le Modèle Numérique de Terrain. L’exploitation des deux couches d’information peut également permettre d’établir une carte de la composition paysagère, et enfin des simulations de scènes paysagères. Si la première filière part du paysage disponible au sol pour aboutir à un document de type « vu du dessus », la seconde part d’informations de type « vu du dessus » pour revenir in fine à une reconstitution du paysage tel qu’on peut le voir depuis le sol.
voir aussi:paysage selon le laboratoire THEMA
voir aussi: télédétection

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