Lac

Le lac peut être défini comme un plan d’eau continental (séparé de la mer, dominé par son bassin d’alimentation et développant une personnalité propre), dont la profondeur, la superficie ou le volume sont suffisants pour provoquer un étagement, une zonation ou un cubement durable de son fonctionnement. Le lac est un terme communément employé dans la langue quotidienne, où il désigne une vaste nappe d’eau intérieure, mais le nom a pris un sens plus précis dans les études scientifiques, surtout depuis la création de la science des lacs, la limnologie, à la fin du XIX e siècle.
Le terme français, issu du latin « lacus », lui-même repris au grec « lakkos », proviendrait d’une vieille racine sanscrite (« lag ») signifiant « déchirer ». Le verbe grec « lakein » avait exactement ce sens, qu’on retrouve dans les mots actuels de multiples langues européennes. Par son étymologie, le lac désigne donc une lacération de l’écorce terrestre remplie d’eau. Cette racine n’inclut, au sens strict, que les plans d’eau situés dans une dépression fermée d’origine. Cependant, les plans d’eau retenus par un barrage naturel (un glissement de «terrain», un écroulement rocheux, une langue glaciaire, etc.) sont des lacs pour l’ensemble de la communauté scientifique. Le cas des plans d’eau retenus par un barrage artificiel est plus discuté, surtout en anglais, où « lake » et « reservoir » sont souvent distingués selon ce critère. En français, cependant, la plupart des auteurs considèrent que les digues artificielles retiennent des lacs de barrage.
La terminologie scientifique a été fondée par le Suisse F.-A. Forel, dont la définition du lac fait foi depuis 1892. Selon lui, au sens large, « on désigne par lac une masse d’eau stagnante sans communication directe avec la mer, située dans une dépression du sol fermée de tout côté ». Le lac est donc un plan d’eau, se distinguant d’un cours d’eau par sa stratification des eaux, des courants qui ne dépendent pas de la pente du fond et un écosystème lentique, dans lequel le cycle de la biosynthèse et de la biodégradation s’effectue dans la dimension verticale et non pas d’amont en aval. D’autre part, le lac ne communique pas avec la mer par quelque ouverture d’eau que ce soit, un détroit, une passe, à la différence de la lagune. La qualité et la quantité des éléments dissous dans les eaux du lac dépendent donc de son bassin d’alimentation. C’est pourquoi il existe des lacs d’eau douce et des lacs salés et, parmi ces derniers, des plans d’eau plutôt chlorés, ou sulfatés, etc. Les lacs d’eau douce sont le plus souvent exoréiques, possédant un émissaire évacuant les eaux et les sels jusqu’à la mer, dans les «régions» assez humides pour provoquer cet excédent du bilan hydrologique. Les lacs salés sont le plus souvent endoréiques, concentrant les sels dans leur cuvette en l’absence d’émissaire. Ce lien entre le lac, son bassin versant et son éventuel exutoire est valorisé depuis les années 1980 à travers le terme d’hydrosystème lacustre, ou limnosystème.
F.-A. Forel avait aussi donné du lac une définition plus stricte, distinguant celui-ci des autres plans d’eau continentaux de plus petites dimensions. Selon lui, les lacs « possèdent une région centrale dans laquelle la profondeur de l’eau est suffisante pour interdire la venue de la flore littorale », à la différence des étangs, mares et marais. Un certain nombre d’auteurs, comme B. Dussart ou F. Wilhelm, se sont attachés tout au long du XX e siècle à quantifier ce seuil de profondeur. Manifestement il faudrait dépasser 5 à 7 mètres pour provoquer cet étagement, non seulement biogéographique, mais aussi dans tous les autres domaines (stratification de densité, de température, d’oxygène, de lumière, etc.). Plus récemment, à la suite des travaux de P.S. Welch sur les vagues, la détermination s’est portée sur la taille horizontale du lac, qui serait un organisme assez étendu pour provoquer une zonation de son fonctionnement, opposant en particulier le littoral et le large. Ces contrastes géographiques en plan se mettraient peut-être en place à partir d’un seuil de 100 à 200 hectares. Finalement, selon les conceptions développées par L. Touchart, cumulant les dimensions verticales et horizontales, le lac serait un plan d’eau intérieur assez volumineux pour engendrer des contrastes entre ses masses d’eau d’une manière durable, c’est-à-dire au moins saisonnière, tandis que les étangs, mares et marais ne connaîtraient un étagement et une zonation de leurs «processus» qu’à des «échelles» de temps très courtes. La géographe russe S.G. Lioubouchkina a proposé le seuil de 1 million de mètres cubes au-delà duquel un plan d’eau intérieur serait un lac.

 

Références bibliographiques :

-Forel F.-A., 1892, Le Léman, monographie limnologique. Lausanne, F. Rouge, t. I, 543 p.
-Dussart B., 1966, Limnologie, l'étude des eaux continentales. Paris, Gautier-Villars, 678 p. : 126-133. Réédité 1992, Paris, Boubée, 681 p.
-Touchart L., 2000, « Qu'est-ce qu'un lac ? » Bulletin de l'Association de Géographes Français, 77(4) : 313-322.