Relief

Le relief d’une région, peut se définir, en première approximation, comme l’ensemble des formes, ou des volumes saillants ou en creux qui la composent : « une famille de formes topographiques », selon l’expression de De Martonne. Pourtant, s’il est un objet géographique amplement étudié, analysé, et décrypté par des générations de savants, d’explorateurs, de géographes… mais finalement peu « défini » avec précision, c’est bien celui de relief . Sans doute parce qu’il exprime d’abord l’une des inégalités de la surface terrestre des plus flagrantes, celle de l’altitude, et que cette troisième dimension de l’espace géographique est des plus évidentes ; ne nécessitant guère que l’on s’y attarde vraiment. Le relief est évident, les mesures géodésiques l’affirment et il est courant de voir les ouvrages de la fin du XIXe s. et du début XXe s commencer l’étude des « formes du terrain » (de la Noë et de Margerie, 1888), du « dessin géographique » (de Lapparent, 1896), du « relief du sol » (de Martonne, 1905) par un rappel des méthodes de mesure et de représentation topographique.

Etymologiquement, le mot relief vient du bas latin relevium et du latin relevare qui désignent l’action de relever ou de faire des relevés. Avec le développement des arts et des sciences au XIXe siècle, il est devenu architectural (bas-relief et haut-relief par ex.), avec celui de la cartographie moderne, il est devenu topographique et militaire (de La Noë était topographe et lieutenant-colonel lorsqu’il publie « les formes du terrain »). Le mot désigne encore, outre les écarts d’altitudes entre différents points ou différentes parties de l’écorce terrestre (qu’il faut cibler avec les moyens de défense), la hauteur d’un ouvrage fortifié au-dessus du terrain sur lequel il est construit et, en termes de marine, la hauteur d’un bâtiment au dessus de la surface de l’eau.

Avec le développement de la géologie et de la géographie physique durant la deuxième moitié du XIXe s., le simple « dessin » du topographe devient davantage le « relief de l’écorce terrestre » et le « modelé » (de Lapparent, 1882) puisqu’il s’agit désormais non plus de décrire mais expliquer. Le relief est enfin appréhendé comme une résultante, comme« l’expression des structures, des dynamiques et des histoires planétaires » (Peulvast et Vanney, 2002). Il fallut pour cela faire également intervenir le temps nécessaire à l’expression des « forces » (internes et externes ; Reclus, 1868) pour la réalisation des « familles de formes topographiques » (de Martonne, 1905), un temps désormais exprimé en millions et centaines de millions d’années, bien éloigné du temps du «paysage» vidalien, de l’espace aménagé par les sociétés, de l’«environnement» modifié par le temps générationnel. C’est le début de la « géomorphogénie » (Lawson in de Lapparent, 1896), de la « géomorphologie », notion créée par les anglo-américains sous la houlette de Davis, Mc Gee, Gilbert … et qui se définit comme la science qui étudie les formes du relief (terrestre et, par extension, des planètes aujourd’hui « accessibles »). C’est l’appréhension d’un temps très long qui ne satisfait guère le géographe, mais davantage le géologue, qui n’a eu de cesse au XIXe s. que de mettre en avant cette durée pour contrer les dogmes religieux, et le géomorphologue qui a préféré analyser surtout la surface du globe terrestre et les processus superficiels en se réclamant d’abord de la géographie physique, puis des sciences de l’environnement.

La définition du relief est complexe dans la mesure où elle doit impliquer le recours à des critères variés. Il est simultanément en effet l’expression de l’altitude, de la pente et de la forme, mais aussi des relations qui s’expriment entre ces différents éléments. Le proverbe chinois « Meiyou gaoshan, buxian pingdi » traduit très bien cette évidence : « S’il n’y avait pas de montagnes, les plaines n’apparaîtraient pas ».
Associer les reliefs aux seules zones de plus fortes altitudes est ainsi réducteur, même si la pente, la forme et l’altitude s’expriment pleinement dans les chaînes de «montagnes». Il n’y a pas de portion terrestre sans relief. Toutes les formes de relief sont expliquées par la géodynamique interne du globe (comportement rhéologique des enveloppes du globe et tectonique des plaques lithosphériques engendrant surrection, volcanisme, séismes…) et par le rôle des processus géodynamiques externes (érosion fluviale, érosion glaciaire, altération chimique…). C’est en terme de bilan qu’il est possible de faire la part des choses entre ce qui relève de l’une ou de l’autre géodynamique, de ce qui relève de la forme primitive et de la forme dérivée et qu’il est possible de comprendre la part des héritages que la reconstitution des paléoclimats, la quantification des processus et la compréhension des temporalités de l’élaboration des formes et des formations permettent aujourd’hui d’entrevoir.

La variété des notions et processus mis en œuvre dans l’étude des reliefs justifie une série de distinctions élaborées par les chercheurs, notamment par les géographes, présentes dans les manuels classiques, et parfois un peu trop oubliées de nos jours.
-Distinction entre le relief et le modelé. Le terme de modelé désigne l’aspect que prend la surface de ces volumes ou de ces formes. Une forme comme un talus dissymétrique peut articuler des surfaces planes séparées par des ruptures de pente brutales, ou des surfaces légèrement ondulées et des changements de pente plus progressifs : dans les deux cas, la forme est la même, mais les modelés sont différents.
-Distinction entre termes purement descriptifs et termes qui renvoient à un processus explicatif, à des modèles de morphogenèse. Les termes du premier type peuvent en général être définis avec précision, et faire l’objet d’un assez large consensus ; pour le second type, il y a davantage d’incertitude et de discussions. En effet, l’habitude a été prise de choisir un terme du langage courant, et de lui attribuer un sens limité et précis, qui renvoie à un modèle explicatif ; il s’agit là d’un choix qui comporte une large part d’arbitraire, et peut donc être contesté. (Une « combe », qui désigne dans le langage courant un vallon verdoyant, devient dans les traités classiques une «vallée» creusée dans l’axe d’un anticlinal).
Les termes sont donc ambigus, et posent des problèmes de traduction. Mais la fabrication de ce vocabulaire avec des références à la genèse a une utilité qui la rend difficilement évitable.
Pour exprimer au mieux le relief, la prime reviendrait donc à la pente qui induit avec l’altitude les étagements bioclimatiques (avec la réduction de la température moyenne) et qui engendre avec la forme l’obstacle qui pourra jouer le rôle de barrière topographique et/ou écosystémique à la diffusion des innovations (maladies, espèces animales et végétales, hominidés…). Les systèmes de pente sont ainsi étudiés dans une approche globalisante, systémique, afin de saisir au mieux l’enchaînement des processus géomorphologiques de l’amont où s’expriment les aléas (précipitations, chutes de neige, éruption volcanique…) à un aval vulnérable (par inondations, glissements de terrain, lahars…) parce que plus fréquemment habité, aménagé par les sociétés.

voir aussi: «Terre», «Fixisme, Mobilisme»

 

bibliographie

-Birot P., 1958, Morphologie structurale, Paris, P.U.F., 2 tomes
-de Lapparent A., 1882, Traité de Géologie, Librairie Savy, Paris
-de Lapparent A., 1896, Leçons de Géographie physique, Masson et Cie, Paris
-de la Noë et de Margerie E., 1888, Les formes du terrain, Paris
-de Martonne E., 1905, Traité de Géographie physique, Paris, A. Colin, 3 tomes
-Peulvast J.-P. et Vanney R., 2002, Géomorphologie Structurale, Paris, Ed. du BRGM
-Reclus E., 1868, La Terre, Hachette, Paris, 2 tomes
-Tricart J. et Cailleux A., 1965, Traité de Géomorphologie, Paris, SEDES