Oscillation australe

Autres dénominations couramment utilisées : -El Nino. -El Nino Southern Oscillation. Le plus souvent on utilise le sigle « ENSO » -expression française « El Nino oscillation australe » et surtout le sigle ENOA sont plus rarement employés, même dans les publications françaises) -Cycle EL Nino/El Nina. L’oscillation australe est une réorganisation de périodicité irrégulière du système océanique et atmosphérique, qui affecte en premier lieu l’Océan Pacifique austral, mais qui intéresse aussi de plus vastes régions du globe. Le phénomène a été défini progressivement, d’abord à partir de quelques aspects spectaculaires mais partiels. On est arrivé par démarches successives à mettre en évidence des liens entre des faits de nature et de taille variées, et à proposer des visions d’ensemble et des schémas explicatifs. Cette situation explique qu’il y a eu quelques difficultés à nommer le phénomène. Les problèmes de méthode qu’il a posés et son importance dans les caractères climatiques de vastes régions du globe justifient qu’on lui consacre une rubrique dans « hypergeo ». La variété des termes mentionnés ci-dessus est un héritage de deux types d’observations, qui on conduit chacun à l’adoption de termes spécifiques. -D’une part l’activité des pêcheurs installés sur les côtes du Pérou a depuis longtemps été influencée par des apparitions périodiques, pendant quelques semaines ou quelques mois, d’eaux plus chaudes que d’habitude; un phénomène important pour eux, puisqu’il entraînait des conditions très défavorables à la vie dans l’océan, donc à la pêche. On aime bien nommer ce qui nous importe, et c’est ce que firent les Péruviens habitants du littoral. Comme le phénomène qui les affectait débutait assez souvent au début de l’été austral, donc à l’approche de la fête de Noël, célébration de la naissance de l’enfant Jésus, il devint habituel de le nommer « el Nino », soit, en espagnol ; « l’enfant ». Cet usage est passé dans la littérature scientifique pour désigner une série de transformations affectant l’ensemble du bassin océanique Pacifique dans l’hémisphère austral. Une pratique qui relève d’une certaine affection pour l’introduction des termes vernaculaires dans la littérature, et pour le recours à la pratique qui consiste à désigner un « tout » par une de ses parties( synecdoque),. En l’occurrence, cet usage n’a pas été sans inconvénients, puisqu’il a favorisé des interprétations erronées d’un phénomène de grande ampleur et a parfois empêché de voir l’importance de relations étendues dans le temps et dans l’espace. -D’autre part, Sir Gilbert Walker, nommé dans les années 1920 à la tête des services météorologiques indiens, se préoccupa dès son entrée en fonctions de résoudre un problème pratique de première importance, celui de la prévision de la vigueur des pluies de la période de la mousson d’été. Comme il disposait de moyens humains importants, de jeunes indiens doués pour la statistique et assez mal rétribués, il put se lancer dans une opération d’une certaine ampleur, faire calculer (entièrement « à la main », bien sûr),les corrélations entre les séries statistiques disponibles à l’époque. Une sorte « d’expérience pour voir », sans trop d’hypothèses préalables. Une des relations les mieux affirmées parmi celles qui furent ainsi mises en évidence est une opposition entre les écarts à la moyenne des pressions atmosphériques dans les régions du Pacifique oriental d’une part, du Pacifique occidental d’autre part. Pendant quelques mois, l’écart est positif pour l’une des régions, négatif pour l’autre, puis le contraste diminue et s’inverse. Ce mouvement, comparé à celui d’une balançoire (« seesaw»), fut plus correctement qualifié dans des publications des années 1920 de « southern oscillation », « oscillation méridionale » puisqu’il concerne les domaines au sud de l’équateur, donc évidemment dans l’hémisphère sud. En français, on préfère en général, et fort justement, le terme « d’oscillation australe ». -Il fallut attendre le milieu du XXème siècle pour que soit établie une image synthétique, des liens entre el Nino et l’oscillation australe, notamment par les travaux d’un membre d’une remarquable dynastie de météorologistes norvégiens Jacob Bjerness (Bjerkness J.1960..). Pour souligner l’’unité étroite de ces phénomènes décrits successivement, on utilise maintenant très couramment l’expression « El Nino Southern oscillation » et plus encore le sigle ENSO. Comme on l’a dit plus haut, la version anglaise est d’un emploi très général dans la littérature météorologique. -Les périodes du Nino stricto-sensu sont caractérisées par un ensemble de valeurs des pressions atmosphériques et des températures de la mer, des directions et des forces des vents et des courants marins sur lesquelles nous reviendrons. Or, on observe à d’autres périodes des inversions complètes de tous ces caractères, et on a bien entendu souhaité les nommer. L’expression « contre Nino » a eu un certain succès, mais on préfère souvent opposer la petite fille au petit garçon et considérer que le Pacifique austral oscille entre deux situations extrêmes, « El Nino » et « La Nina ». Cette dernière ne doit rien aux populations locales, et c’est d’un pseudo vernaculaire que l’usage s’est imposé. On utilise donc parfois l’expression de « cycle Nino/ Nina » pour nommer le phénomène d’ensemble, et très souvent « la Nina »pour désigner un des états du complexe océan/atmosphère dans le pacifique austral. Comme ils sont particulièrement spectaculaires, et importants on a beaucoup utilisé les situations extrêmes pour qualifier l’ensemble des phénomènes caractéristiques du Pacifique austral. Mais ces situations n’occupent en gros à elles deux que la moitié du temps. L’autre moitié est occupée par un troisième état, au cours duquel les valeurs des variables atmosphériques et océaniques sont proches de leurs valeurs moyennes .(Voir document joint). On a donc souvent qualifié cette situation de « moyenne » ou « normale », mais c’est plutôt l’expression d’ « état neutre » qui s’est imposée. Chacun de ces trois états correspond à un ensemble de traits de l’ensemble Océan/atmosphère .Chacun est dû au fonctionnement d’un ensemble d’interactions (plus précisément de « boucles d’interaction ») qui règlent le fonctionnement de l’ensemble, et constituent à proprement parler des systèmes. Chacun de ces systèmes est doté d’une certaine permanence, due à des processus d’auto-entretien ; mais au cours du temps se développent des processus qui tendent à les contredire. Et, en fin de compte, chaque système est « détruit » et remplacé par un autre. En d’autres termes, pour chaque système on peut définir des boucles d’interaction positive qui l’engendrent et l’entretiennent et des boucles négatives qui les contredisent. Pour cette raison, les systèmes sont dits « auto-limitants ». (Certains météorologistes ont qualifié d « auto-sabotage » certains aspects des états de Nino ou de Nina. Expression pittoresque et parlante, mais peu orthodoxe).(Thompson A,2016). Ce sont ces interactions qu’il convient de décrire. -Situation neutre. Elle présente les caractères essentiels de la circulation sur les océans tout autour du globe, avec quelques spécificités qui tiennent à la forme du bassin océanique notamment au tracé de la côte orientale, celle de l’Amérique latine. La circulation atmosphérique est dominée par un système de vents opposés dans les deux hémisphères, les alizés nord et sud. Ils sont déviés vers l’ouest par suite de la rotation terrestre donc, vents de NE dans l’hémisphère nord, de SE dans l’hémisphère sud. Ces alizés se dirigent vers l’’équateur, à la latitude duquel les vents des deux hémisphères se rencontrent. Une puissant mouvement ascendant se produit dans cette zone de rencontre (« convergence intertropicale » ) en altitude, on observe des vents se dirigeant vers les pôles , de sud-est dans l’hémisphère nord, de nord est dans l’hémisphère sud. Des zones de subsidence apparaissent à la latitude des tropiques. Ces mouvements se traduisent dans le champ de pression atmosphérique, avec des basses pressions correspondant aux zones d’ascendance équatoriales, et des hautes pressions correspondant aux subsidences à la hauteur des tropiques lignes des « Anticyclone subtropicaux ». Il y a des interactions nettes entre tous ces éléments, toutes choses sont causées et causantes. Ainsi les alizés « résultent » du champ de pression (anticyclone subtropicaux. basses pressions inter tropicales, mais en même temps, le champ de mouvement crée le champ de pression .L’énergie du système est surtout fournie par le rayonnement solaire, qui produit une forte évaporation dans le champ des alizés, la vapeur d’eau ainsi accumulé engendre dans l’air une chaleur « latente » qui est « libérée » dans les ascendances équatoriales, qu’elle entretient. Cette circulation est souvent représentée dans des schémas où l’on retient les composantes verticales et méridiennes des vents . Il met en évidence les ascendances équatoriales et les subsidences tropicales, les composantes méridiennes vers l’équateur dans les basses couches et vers les pôles en altitude. On obtient ainsi l’image de cellule les « cellules de Hadley ». Les composantes de vents d’est dans le domaine de l’alizé austral tendent à crée un mouvement est-ouest dans l’océan, où cela produit un courant océanique est ouest (courant sud-équatorial). Le déplacement des masses d’eau d’est en ouest créée des déficits de masse dans les parties orientales de l’océan, et une montée d’eaux profondes, plus froides que les eaux de surface. Ce phénomène dit d’ « up welling » est particulièrement marqué dans la partie orientale du Pacifique. Au contraire, l’eau échauffée par la radiation solaire sur les plus grandes partis de l’océan tend à s’accumuler dans ses parties occidentales, en direction de l’Australie et de l’Indonésie. Ce champ de température s’accompagne d’écarts des pressions entre l’est et l’ouest de l’Océean ; les températures de l’air plus faibles à l’est tendent à y produire des pressions plus fortes, tandis qu’à l’ouest l’air plus chaud et les vigoureuses ascendances (sources de fortes pluies) sont à l’origine de pressions plus faibles. En altitude, on observe des composantes ouest-est qui tendent à ramener l’air vers l’est du bassin, où il amorce des mouvements de subsidence qui renforcent les pressions, et donc referment une nouvelle boucle. En retenant pour construire un schéma, les composantes zonales et verticales des vents, on met en évidence un mouvement d’ensemble ; vents est ouest dans les basses, ascendances à l’ouest, vents ouest est en altitude, subsidence à l’est. Ce modèle est celui de la « cellule de Walker », qui vient se combiner à celui de la cellule de Hadley pour rendre compte du fonctionnement du système océan atmosphère sur le Pacifique austral. L’impact des vents sur la circulation océanique présente un aspect complémentaire. Combiné avec le rôle de la rotation de la terre sur tous fluides en mouvement, cette impulsion crée des ondes irrégulières qui affectent la hauteur de la surface de l’océan et la structure verticale de son champ thermique ; elles déplacent aussi de grandes masses d’eau, à des profondeurs de l’ordre de 150 mètres Du fait de ces transports de masse, ces ondes ne répondent pas à la définition classique du phénomène Comme l’écrit A Thompson (Thompson, 2016) « Les ondes de Kelvin ne sont pas des ondes dans le sens classique, mais évoquent plutôt une masse d’eau plus chaude que la normale qui voyage vers l’est sous le surface de l’océan. Un onde de Kelvin se traduit à la surface par une légère élévation de la surface de la mer (une dizaine de cm) » Les « ondes de Kelvin », se déplacent d’ouest en est, et les « ondes de Rossby », d’est en ouest. Les unes et les autres mettent quelques semaines à traverser l’ensemble du bassin océanique. Elles sont susceptibles de se réfléchir sur les côtes et de donner naissance ainsi à des ondes circulant en sens contraire. -Situation de Nino. Elle est marquée par un ralentissement de l’alizé austral, donc de l’ensemble des mouvements vers l’ouest dans l’atmosphère et dans l’océan. L’upwelling d’eaux froides diminue au large des côtes américaines, et les températures de l’océan augmentent. Augmentation qui peut être renforcée par des déplacements ouest-est, dus notamment à des ondes de Kelvin. Cette température élevée de l’océan entraîne des ascendances de l’air et une baisse de pressions sur le Pacifique oriental ; elle est largement responsable du ralentissement de l’alizé – et la boucle se referme. Ainsi, le phénomène se maintient. Mais deux processus jouent en sens contraire : d’une part, l’accumulation d’eau chaude dans le Pacifique oriental et, de plus en plus, central, produit une accentuation des ascendances le long de l’équateur, donc un renforcement de la cellule de Hadley, donc finalement une tendance au renforcement de l’alizé austral. D’autre part, les ondes de Kelvin vigoureuses qui ont participé à l’apparition du Nino, se reflètent sur les côtes américaines, et donnent ainsi naissance à des ondes de Rossby, qui collaborent au ralentissement des transports d’eau chaude vers l’est. Ainsi se manifeste l’auto limitation du système, et se prépare le passage de la situation de Nino à une autre situation, neutre ou de « Nina ». Pendant le Nino, les convections sont affaiblies dans la partie ouest du Pacifique et une réduction des précipitations affecte la région, y compris des parties de l’Australie. Au contraire, une zone de convection active s’établit au centre et à l’est de l’Océan et aux abords du continent sud-américain, qui connaît des précipitations abondantes. -Situation de Nina Elle s’oppose terme pour terme à la situation de Nino. Elle est caractérisée par un alizé rapide, qui augmente l’upwelling d’eau froide le long des côtes de l’Amérique. Sur ces eaux froides, la température de l’air diminue, et la pression atmosphérique augmente. En même temps, des ascendances particulièrement vigoureuses ont lieu dans l’ouest, avec la présence d’eau plus chaudes ; elles entraînent ne baisse des pressions. Ainsi, un gradient de pression est ouest renforce l’alizé. Et une boucle se referme. Mais cette boucle de rétroaction positive déclenche une boucle négative, puisque le refroidissement de l’eau dans de vastes régions du Pacifique diminue l’évaporation, donc les ascendances le long de l’équateur et plus généralement l’apport d’énergie à l’atmosphère. Aussi la cellule de Hadley perd de sa vigueur, ce qui tend à diminuer la force de l’alizé. Les effets sur le temps sont inverses de ceux du Nino : tendance au temps sec sur l’est du bassin, en raison de la présence d’eaux froides et de hautes pressions relatives, convection vigoureuse et précipitations abondantes sur l’Ouest du Pacifique et une partie de l’Australie. -Basculements et télé-connections. Chacun des trois états comporte donc des éléments de stabilité et d’instabilité. On peut les qualifier d’états autolimités ou méta-stables. On comprend donc à la fois qu’ils soient capables de durées, mais que sur le temps long, on observe des basculements d’un régime à un autre. Sur quelques aspects quantitatifs de ces successions et de ces basculements, (voir documents en annexe). Les facteurs déclenchant de ces basculements sont complexes, et sont encore en partie mal expliqués. Ils posent bien des problèmes aux météorologistes, soumis à une forte demande de prévision quant à la durée probable d’un régime, ou la nature de l’état à venir. Les phénomènes de très grande ampleur qui caractérisent les trois états peuvent être déclenchés par des faits d’un ordre de grandeur inférieur, dont les effets peuvent s’amplifier de façon assez aléatoire. C’est le cas par exemple de déclenchements d’ondes de Kelvin, ou de formation dans l’ouest de dépressions mobiles, par exemple des cyclones tropicaux aux trajectoires atypiques. Mais les basculements sont aussi associés à des relations à longue distance, avec des phénomènes météorologiques et océaniques de grande ampleur. C’est le cas par exemple d’une ondulation qui se manifeste d’abord dans l’Océan Indien et fait le tour de la terre en quelques mois, l’ondulation de Madden-Jullian. Mais il y en a bien d’autres : d’une manière générale, il existe un ensemble de télé-connections entre Nino/Nina et des phénomènes météorologiques dans des régions éloignées du monde. (Sur les tel connections et leur rôle, voir l’article sur les sécheresses dans Hyper geo). Les épisodes de Nino sont ainsi associés à une faiblesse de la mousson indienne,, à des sécheresses au Brésil et au NW des Etats-Unis et à de fortes pluviosités sur la côte ouest de l’Afrique, au sud des Etats-Unis et au SE de l’Amérique latine. Les épisodes de Nina sont associés à des pluies de mousson abondantes, à des temps pluvieux au Sahel Africain et au nord de l’Amérique latine, et à des temps plus secs au sud des Etats Unis et en Asie centrale. Ces télé-connections sont assez inconstantes, parce que leurs mécanismes sont complexes (et, du coup encore assez mal connus). Par ailleurs, elles résultent souvent d’interactions, et les associations entre le cycle Nino/Nina et certains phénomènes peuvent être liées à des rapports de causalité fonctionnant dans les deux sens. François Durand-Dastès voir aussi: océan, climat

Documents joints

 

Références.

-Anonyme El Nino Southern oscillation. National weather service. Climate prediction center. Annuel.
-Bjerknes J 1966 A possible response of the atmospheric Hadley circulation to equatorialanomalies of temperature. Tellus 820_829
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-Djikstra HH 2006. The Enso Phenomenon. Theory and mechanism. Advances in geosciences. The European geosience union. 3-15
-Gawthrop E. 2016; Learning from el Nino verus la Nina Odds. State of the planet. Columbia University.
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-Walker G 1928 World weather. Quatrly Journal of the Royal British Society